Le chômage ou la toge?

Article : Le chômage ou la toge?
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30 octobre 2014

Le chômage ou la toge?

Quand on est à la faculté de droit, on a tendance à croire que le monde n’attend que nous. Une fois le diplôme en poche, les portes nous seront largement ouvertes. Les carrières en entreprise, les métiers d’avocat, de notaire, d’huissier, de greffier. On pense même pouvoir s’imposer partout.

Enfermé dans une bulle qui a littéralement explosé depuis, je me construisais moi aussi de magnifiques châteaux de sable. Quatre années de confrontation avec la dure réalité des petits boulots, de l’exploitation et du chômage ont fait de moi un entrepreneur convaincu.

Être son propre patron cependant est un rêve qui peut virer au cauchemar quand on n’a pas les reins solides. De plus entrepreneur ce n’est pas un métier, au Togo, c’est un challenge. Vous pouvez me croire, Hercule préférerait de loin ses 12 travaux.

Le droit mène à tout qu’ils disaient…

Le chômage a donc le pouvoir de nous ramener sur terre, et souvent de nous faire abandonner nos rêves/vocations. Je sais juste que l’envie d’avoir un revenu fixe a envoyé valser ma vocation initiale d’enseignant (ce n’est pas vrai, c’est juste un rêve que je vais me donner les moyens de réaliser un peu plus tard). Alors quand le garde des sots sceaux a lancé le recrutement des auditeurs de justice…

Être de nationalité togolaise (OK) , être âgé de 35 ans au plus (OK), être titulaire d’une maîtrise en droit (OK) ou d’une Licence LMD, le reste… des formalités.

Ai-je besoin de le rappeler? Passer le cap de ce concours, c’est se garantir un emploi, un salaire, une situation, une retraite, en gros, une vie. Ne dit-on pas que le travail nous éloigne des vices? Ou est-ce le contraire?

Il y a tellement de diplômés chômeurs dans mon pays que, pour recruter 30 personnes, on se retrouve souvent avec 1 000 à 2 000 candidatures, à l’aise.

La question à se poser cependant est celle de la motivation… l’attrait du métier lui-même ou un ras-le-bol du chômage? Quels fonctionnaires retrouvons-nous à ces postes clés ? Quand vous êtes confrontés aux agissements de certains employés de l’Etat, vous vous demandez ce qui a motivé le choix de la carrière? L’excès de galère? Le tonton haut perché et corrupteur ou le service de l’Etat?  Au fond, aiment-ils leur travail?

Avant d’espérer se glisser dans le nid (le lit?) de la poule aux œufs d’or, il faut avant tout et surtout… constituer ce cher dossier de candidature.

La toge contre le chômage

Au menu donc, légalisation de vos diplômes et /ou attestations, établissement de casier judiciaire, paiement de quittance et… et… certificat médical.

Vous serez étonnés de l’apprendre, mais le désir de servir l’Etat (ou de dribbler le chômage) a un coût. Relativement élevé, ce dernier a servi à éliminer certains prétendants (un pré-concours en somme).

Entre le timbre fiscal (500F), les légalisations (1000F), le casier judiciaire (500F à faire établir au Tribunal de son lieu de naissance), le certificat médical délivré par un médecin du travail (entre 5 000 et 8 000F), la quittance (5000F)… le déplacement entre chacun de ces hauts lieux (suivez mon regard) de la République…

Ce que l’arrêté ministériel ne nous dit pas, c’est qu’il faut s’armer de patience et pas que de ça…

Jacques où es-tu?

Dans un pays normalement constitué et à l’ère du numérique, il m’aurait juste suffi à mon réveil ce jour-là, l’arrêté dans une main, de me connecter aux sites de l’administration et de dresser mon itinéraire. Hélas…

Je passe sur le domaine national où les caissières quittent leur poste à 11 h 40  au mépris du pauvre chômeur qui perd une fortune en frais de déplacement. Il m’a fallu y retourner l’après-midi.

Je passe également sur le déplacement inutile au ministère de la Justice. L’arrêté (toujours lui) disait expressément :

 » La quittance est délivrée par le service comptable du ministère de la Justice et des Relations avec les institutions de la République « .

On m’a tout simplement ri au nez quand je suis passé chercher cette fameuse quittance.

 » Ce n’est pas ici, rendez- vous au Centre de Formation des Professions judiciaires « . Merci de m’avoir prévenu, quand le lait et le miel couleront, je me ferais rembourser.

J’ai failli faire un tapage monstre, mais je me suis vite ravisé. Le ministère de la Justice et celui de la sécurité et de la protection civile faisaient cour commune.

Qui a envie de venir chercher des problèmes dans un endroit où on a une telle concentration d’hommes en armes? Entre temps, qui a eu cette idée de génie ? Mettre ces deux clients dans la même cour ? C’est pour envoyer quel message ?

Je dis merci au passage à ce gendarme (policier ?) en service à la sûreté nationale qui s’est plié en quatre pour m’aider à retirer mes documents légalisés. Ce Monsieur, qui n’est plus tout jeune, a fait plusieurs va-et-vient pour me servir, et a été d’une courtoisie et d’une gentillesse remarquables.

Qui a dit qu’un homme en arme et un civil ne pouvaient pas s’entendre, ou sympathiser ? La vérité est que nous vivons les mêmes galères.

Ma gratitude également à ces charmantes dames du Greffe. Les dames, en général plus il y en a, mieux on se porte, enfin je crois.

Ma gratitude (eh Seigneur), que ne ferait-on pas pour quitter dans chômage? Façon j’ai tenu mon cœur.

Saviez-vous qu’il fallait se foutre à poil pour un parfait inconnu, même pas le médecin de famille. Mon voyeur de médecin du travail à moi était relativement sympathique, merci qui?

Montrer pattes bourses blanches pour avoir le certificat médical, mais surtout pour pouvoir garder l’espoir de se les remplir un de ces quatre.

Tout le mal que je me suis donné pour constituer ce dossier a suffi à me faire comprendre que je n’étais pas au bout de mes peines.

Aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit de la jeunesse, disait l’autre, c’est à se demander ce qu’il sacrifiait précisément.

Après, si les concours dans ce foutu bled pouvaient arrêter d’avoir des airs d’élection pré***********, je crois que mon « strip tease » improvisé n’aurait pas été vain.

 

Eyi zandé !

 

 

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Commentaires

Lionel
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J'aurais juré que tu racontais non ton parcours de combat dans cette constitution de dossier mais le mien.

Tout semble prouver qu'il nous est réservé le même dessein quand il s'agit de trouver un travail. Pauvre de nous !!!

Vivement que ça morde cette fois. Le miel ou le lait qui coulera nous fera oublier tout ce périple. Hum... !

Cyrille K. NUGA
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On espère chef, partir perdant est la meilleure manière de rester sur le pas de la porte. On croise les doigts et on espère...

Mireille
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Il ne me reste plus qu'à croiser les doigts pour toi...Lorsqu'un chômeur trouve un emploi c'est une bonne nouvelle pour les autres chômeurs la liste devient moins longue

Cyrille K. NUGA
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C'est pas faux très chère, en espérant que cette fameuse liste se raccourcisse chaque jour un peu plus :-D

fafa
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tres triste realité. voila prkoi le fait de penetrer la vie active me fait peur.extrement peur. pr vs qui etes des anciens (enfin j'en deduis.lol) ces pas facile et ns les petites nouvelles?? eeeeh God.humm.
mais bn ca va aller. mon frer garde tjrs tn courage a deux mains.everything will be alright.

Cyrille K. NUGA
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Merci belle sœur, et puis faut pas avoir peur, le jour finit toujours par se lever. Merci d'avoir lu le billet, et merci pour le commentaire. Excellente journée :-D

abra
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"Faut il en rire ou en pleurer???"
Bonne chance pour ton concours mon cher!!!

Cyrille K. NUGA
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Merci beaucoup grande soeur!!

Djifa Nami
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Courage petit frere. L'atout essentiel dans ce combat est l'humour (et un grin de derision) et tu es bien equippe!

Cyrille K. NUGA
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Merci beaucoup grande soeur, merci d'être passée par ici :-D

Namo
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J'avais l'impression d'être en côte d'Ivoire et d'entendre les péripéties de ma meilleure amie. Que ne ferons t'on pas pour sortir du chômage dans lequel ces gouvernements corrompus nous enfoncent? C'est le même train qu'emprunte tous les jeunes d'Afrique. Que Dieu nous garde et courage à nous. A force d'essayer pour viendra un jour.
inch Allah

Cyrille K. NUGA
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Amen, Amin.