Et de 3 pour Gnassingbé II
«Ite missa est » ? Même prononcées par un faux célébrant, qui ne pense que par sa panse et/ ou sous la menace d’une baïonnette, ces paroles doivent bien résonner dans la tête de plus d’un de mes compatriotes. Dans la mienne, elles résonnent en tout cas.
La messe est dite, chers compatriotes, enfin, en principe du moins. Allons dans la paix du Fils. En vérité, en vérité je vous le dis, la paix, la vraie, seul le Fils du père la donne et la pérennise. La paix des routes bitumées aux mille et une vertus, celle des grèves (pour les privilégiés qui ont un emploi), celle de la galère, de la misère et du système D pour la majorité bruyante, celle de l’opulence et des privilèges, pour la minorité (qui s’accapare les richesses du peuple). Ainsi va le Togo, les riches, toujours plus riches et les pauvres…
Nombreux furent les appelés et désireux d’un troisième mandat, certains ont tout perdu, d’autres tirent sur tout, tout le monde et partout, entre deux parties de foot ou de Nintendo et peu furent élus (de gré ou de farce). L’adage « jamais deux mandats sans trois » a pris tout son sens, au Togo du moins.
Passer de l’état d’homme à la stature d’homme d’Etat n’étant apparemment pas à la portée de tous, le vin-aigre étant tiré, buvons.
Buvons à toutes nos frustrations, nos échecs, aux cinq prochaines années de reconduction de ce contrat qui semble être à vie. Buvons, en nous posant les bonnes questions, en nous évaluant et en essayant de tirer les leçons de cette énième déconvenue. Ces leçons justement…
Le premier enseignement à tirer de ces élections présidentielles est le suivant, le premier parti au Togo, c’est le parti du Peuple. Il est vrai qu’entre la clôture des bureaux de vote et la proclamation des résultats (et même les jours qui ont suivi) beaucoup ont appris les rudiments de l’arithmétique. La leçon est et demeure cependant la même. Quelles sont les raisons de la victoire du parti du Peuple ? La question demeure. On pourra émettre des hypothèses, une lassitude de la langue de bois maniée à la perfection (?) par les politiques, une consigne de boycott passée par des « opposants » has been et plus très opposés, des occupations sérieuses qui n’auraient attendu que le 25 avril…L’hypothèse pour laquelle je penche, c’est celle de la lassitude. Comme disent les «jeunes», la flemme de cette classe politique qui a échoué à proposer du concret, du neuf. Flemme de ces personnes qui des deux côtés ont échoué à écouter le peuple, et à prendre leurs aspirations en compte. Flemme de cette classe politique qui peine à se renouveler, à se remettre en cause aussi. Au fond, qui veut écouter, sans l’être en retour ? Qui aspire à voir ses espoirs toujours déçus ? Si je voulais prendre de l’avance sur le point 2, je dirais que ceci est une très bonne nouvelle, mais patience, nous y arrivons.
Deuxième enseignement, pas très éloigné du premier et tout aussi riche de sens. Il n’existe pas ou quasiment plus de vote ethnique au Togo. Mais a-t-il vraiment déjà existé ?Mon éveil à la compréhension de la situation politique dans mon pays a été, je l’avoue lent. La première fois que j’ai senti cette notion de vote ethnique, c’était en 2005, je vous épargne les détails de cette présidentielle. En 2007 cependant, cette notion, jusque-là floue s’est précisée. La sentence « Le RPT remporte la totalité des sièges» prononcée par le président de la CENI d’alors résonne encore dans ma tête. En effet, plus on s’éloignait de Lomé, moins les sièges étaient acquis aux partis d’opposition. En somme, le Nord votait le parti au pouvoir, le Sud, les opposants. Scénario reproduit à l’identique en 2010, 2013 et en 2015. Pourquoi changer une méthode qui porte des « fruits » ? A qui profite une telle lecture de la situation politique ? Pourquoi faire penser qu’il y a deux catégories de Togolais ? Certains en sont donc réduits à reproduire et pérenniser les schémas de la période coloniale pour régner. En somme, le message à retenir c’est que le Togolais du Nord est réfractaire au changement et heureux de son sort et celui du Sud est le seul à ne pas voir que tout va bien. Ce qui est paradoxal c’est que la misère et les souffrances n’épargnent aucune ville de ce pays, aucune ethnie n’est logée à une meilleure enseigne. Le vote ethnique a rendu l’âme parce que togolais du Nord et du Sud ont décidé de porter à la tête de ce pays…l’abstention. Le silence en politique, l’abstention n’a jamais été synonyme d’approbation. Sans toutefois être un expert de la chose politique, je crois que ce message vaut la peine d’être entendu.
Leçon 3, la nécessité d’une opinion nationale forte. J’ai été fasciné par l’attente béate dans laquelle certains se sont réfugiés (moi aussi par moments), quand le vinaigre a été tiré. « Attendons ce que la communauté internationale va dire », « De toute façon, les chancelleries ne lui donneront pas de caution », « La communauté internationale ne le laissera pas faire » , etc. Il y a longtemps que nous nous faisons en*****, par cette chère communauté, et nous en sommes réduits à attendre sa réaction. Et cette fois encore, François le Français et sa vassale de la francophonie (dont l’émissaire a été acteur, spectateur et victime d’une tragi-comédie purement togolaise), se sont livrés au jeu de la « lettre de félicitations ». L’avènement de cette opinion nationale est vital dans la mesure où elle aura le mérite de faire exister une voix intermédiaire entre les deux camps politiques dont nous ne sommes toujours pas le premier souci. Un troisième acteur décidé à renouer avec sa fonction première d’employeur et de contrôleur de la vie publique. Des acteurs vigilants et regardants plutôt que des spectateurs apathiques ou résignés. Quand je pense à la guerre d’information à laquelle nous avons assisté entre le 25 avril au soir et le 3 mai, je me dis que s’il nous reste beaucoup de travail à faire, du chemin a été accompli.
Quatrième station, un engagement politique franc et honnête (leçon ? recommandation ?). J’entends d’ici certains rires, franchise et honnêteté en politique, celui-ci est un idéaliste d’une naïveté sans pareil. A ceux-là, je me permets de répondre que l’hypocrisie et la politique du ventre ont mené notre pays où il est. De la conférence nationale (et même bien avant) à ce jour, nous avons été malades de nos politiques, malades de notre politique, malade de l’ego de pseudo leaders. Je vais éviter de me répéter et de retourner au point 3. Il ne faut cependant pas des talents de prophète pour dire que le chemin de l’alternance, la victoire du peuple togolais (ceci n’est pas un slogan légitimant une victoire électorale usurpée) ne passera par aucun des acteurs politiques présents en ce moment. Elle devra passer par le peuple, une révocation du mandat de fait et en apparence absolu que nous avons semblé accorder à certains politiques.
Un engagement politique franc est celui dans lequel on se reconnaît et qui répond à nos aspirations. Cela n’est pas faire le choix du nombre, on peut être nombreux à avoir tort, mais c’est un engament que l’on assume et qui nous définit. J’ai eu à le dire, et je me répéterais ici, on n’a pas besoin d’apprécier dans le regard d’autrui une caution à un choix que l’on assume. Ce choix cependant se doit d’être honnête, pas une couverture ou un état passager et refléter les ambitions que nous nourrissons pour notre pays. Ce choix devient alors une conviction.
Quatre leçons, même si nous pouvons en tirer plus. Quatre, comme dans « jamais trois mandats sans quatre », nous avons toujours eu le chic par ici de concrétiser l’inconcevable et l’inimaginable, de créer des jurisprudences que d’autres s’empressent de reproduire… Aux dernières nouvelles, la limitation des mandats n’est même pas envisageable sous nos cieux, ce qui rend impérieux le changement des conditions dans l’arène politique comme en dehors. Le message du 25 avril, même altéré a été entendu, et est un premier signe fort. La deuxième salve se doit d’être une vigilance de tous les jours, demander des comptes ne doit plus être un concept abstrait ou lointain. Place donc à une vigilance citoyenne avec conviction, méthode et efficacité.
Commentaires